01 — Ce que font la majorité
Une marque, ce n’est pas ce qu’elle dit, c’est ce qu’elle fait ressentir. Le visiteur d’un site, le client face à un produit, l’inconnu qui tombe sur une pub… ils ne font pas d’analyse, ils perçoivent. Une ambiance, une posture, une manière d’être. Il y a une teinte globale qui se dégage. C’est ça, l’identité. Ce n’est pas une addition d’éléments, c’est une sensation d’ensemble. Et dans cette logique, le rôle du slogan n’est pas de convaincre, mais de nommer ce qui est déjà là.
Un bon slogan ne doit pas précéder le ressenti, il doit en être l’écho. C’est une façon discrète de poser un mot sur une impression diffuse. Ce qu’on cherche à travers une marque, ce n’est pas une explication rationnelle, c’est une appartenance invisible. Une atmosphère. Une présence. Et quand cette présence est bien construite — quand tout est juste, du ton aux produits, du discours à la posture — alors le slogan vient naturellement se poser à la fin. Comme une évidence. Comme une signature qu’on comprend sans avoir besoin de la déchiffrer.
Red Bull. Apple. Deux approches, un même fond. Chez Red Bull, “donne des ailes” fait sourire parce qu’on ressent déjà cette énergie partout dans la marque. Ce n’est pas une promesse, c’est une confirmation. Chez Apple, le slogan est absent des esprits, mais la marque s’impose dans les corps. Le silence, la lumière, l’agencement : tout est pensé pour faire ressentir. Même sans avoir besoin de quoi que ce soit. Et c’est là que le slogan devient intéressant : quand il vient après. Quand il dit juste ce qu’on savait déjà, sans avoir mis de mot dessus.
02 — Notre lecture à nous
Beaucoup de marques traitent leur slogan comme une obligation. Un passage obligé du branding, une case à cocher. Alors on se presse pour trouver une phrase courte, qui sonne bien, qui donne l’impression d’une promesse. On cherche un peu d’esprit, une tournure qui claque, un mot fort.
Et souvent, une fois la bonne musique trouvée, on s’arrête là. Le travail est considéré comme fait. Mais ce qui est produit dans cette urgence, c’est rarement plus qu’une jolie formule. Un emballage séduisant posé sur un fond flou. Le slogan devient une façade, une décoration pensée pour faire bonne impression, mais qui ne repose sur rien de vraiment construit. On veut que ça plaise, que ça brille, que ça se retienne. On oublie que pour qu’un slogan ait du poids, il faut qu’il vienne de quelque chose.
D’une matière déjà dense, déjà vécue, déjà incarnée. Alors on se retrouve avec des slogans beaux mais vides, brillants mais sans écho. Des phrases bien trouvées, mais interchangeables. Et dans cette recherche du style, on passe à côté de l’essentiel : la solidité d’un fond. Un slogan ne peut rien porter s’il n’est que du vernis.
03 — Ce que ça produit quand c’est mal fait
La majorité des slogans mal pensés ne créent rien. Ils passent inaperçus, sans déranger, sans marquer. On les lit sans les voir. Ils sonnent vaguement bien, valident une intention floue, et s’oublient aussitôt. Dans un monde saturé de messages, ne rien produire, c’est déjà rater. Un slogan inutile devient un mot de trop, un bruit faible qui meuble un vide stratégique. C’est le degré zéro de l’impact.
Certains slogans ne sont pas juste inutiles, ils brouillent. Ils cherchent à se distinguer mais perdent en lisibilité. Trop abstraits, trop poétiques, trop “originaux”, ils déstabilisent. On regarde le produit, on lit le slogan, et on ne sait plus très bien à quoi on a affaire. C’est comme un costume bien coupé avec des baskets fluo : pas choquant en soi, mais si le reste ne suit pas, on doute. La marque perd en cohérence. Et ce léger malaise suffit parfois à décrocher.
Le pire cas, c’est quand le slogan ment. Quand il promet des choses que tout le monde sait fausses. “Engagés à vos côtés”, “Réinventons demain”, “L’assurance humaine”... Ce genre de phrases déclenche une réaction immédiate : méfiance, voire exaspération. Ce n’est pas qu’elles sont mal écrites, c’est qu’elles sonnent creux à force d’avoir été répétées sans preuve. Et là, le slogan ne meuble plus : il abîme. Il creuse le fossé entre ce que la marque dit, et ce qu’elle fait vraiment.
04 — Conclusion
Un slogan n’est pas ce qui fait une marque, ni ce qui la détruit. Quand il est bien pensé, quand il fait partie d’un tout cohérent, il peut être agréable. Juste. Subtil. Parfois marquant. Il ponctue. Il affine. Il ajoute une touche. Mais ce n’est jamais lui qui porte le fond. Et quand il est surjoué, plaqué, fabriqué pour cocher une case… il fatigue. Dans le meilleur des cas, on l’oublie. Dans le pire, il irrite.Un slogan, c’est juste une tentative de mettre un mot sur ce que les gens ressentent déjà. Pas ce qu’on veut qu’ils ressentent. Ce qu’ils perçoivent vraiment, en regardant la marque, en touchant le produit, en traversant son univers. Et ce mot-là, s’il est juste, n’a pas besoin de frapper fort. Il suffit qu’il sonne vrai.